Il y a dans le cosmos une infinité de possibles, un potentiel non manifesté immense. Il y a dans le ciel comme en nous une danse constante, des courants d’énergie qui se croisent, s’entremêlent, rient, étincellent. Un mouvement constant, non linéaire, des vagues qui nous emportent ou qui frappent à notre porte. Une folie divine, amusée de la vie, toujours près de chacun de nous.
Comme un tourbillon descendant, semblable à un entonnoir qui n’attend que de déferler en nous, c’est toute la manifestation du monde qui nous presse à chaque instant : il y a l’architecture des étoiles, des constellations qui nous enseignent par leur ordre, et l’énorme énergie contenue dans le vide, espace bienveillant, confiant…
Par quel mystère résistons-nous à ce flot ? Pouvons-nous mesurer combien nous sommes puissants, simplement en considérant que nous avons la capacité de nous rendre immuables, enfermés dans nos cases, dans nos certitudes ? Retenir le mouvement de tout l’univers, le canaliser pour rendre nos vies routinières, pour avoir une perception constante d’un monde fluctuant, pour créer des cases, semble impossible et pourtant c’est ce que nous accomplissons.
Tout ce pouvoir mis au service de la résistance nous fait, littéralement, serrer les dents… nous serrons les dents pour avancer tels des funambules sur un fil étroit destiné à construire l’illusion d’une stabilité triste pendant que tout l’univers frétille dans ses propres flots.
Ce n’est pas pour rien que dans le corps, l’archétype le plus apte à capter et retransmettre toute cette folie divine est le fou, qui est la zone de l’articulation de la mâchoire… lorsqu’il laisse passer le courant, ce sont des cascades de mots joyeux, des torrents de paroles inspirées qui se déversent et abreuvent du chant des étoiles les sillons de notre propre corps.
Lorsque cela ne se fait pas, les dents se serrent et l’on avance triste sur son fil solitaire.
Le Fou a pour fonction de cueillir l’inspiration divine, mais cela fait peur, car nous avons construit des façons d’être qui ont eu pour vertu de nous protéger de situations inacceptables et pour travers de nous limiter dans notre capacité à évoluer. Le Fou nous rappelle que l’on ne peut évoluer sans cette inspiration divine : par nos propres forces, nous répétons sans cesse les vieilles formules du passé… et même lorsque l’on sait cela, c’est difficile : évoluer, sortir de nos cadres, c’est s’exposer, c’est craquer et souffrir.
Peut-être peut-on résumer l’existence humaine à ce dilemme : un tiraillement constant entre la cohérence apportée par la sécurité et l’appel de la joie infinie du cosmos. Ce point est capital pour chacun de nous : comment ne pas éclater en fragments d’étoiles épars en recevant l’immense ? Comment ne pas perdre le sens de notre existence, notre potentiel d’évolution, tout en conservant nos limites ? C’est un défi que chacun doit résoudre à sa façon, avec « sérieux »…. car en effet, c’est à partir du fou, dans l’alchimie de notre être, que nous commençons à récolter les graines de toutes nos actions passées, et que nous accomplissons notre seule mission sur Terre : grandir !
Que cette évocation soit une invitation à redonner toute sa dignité au poète-fou, au faiseur de mots surprenants, à l’inspirateur d’impossible, au messager des inspirations divines. Il n’est pas farfelu sans axe ou original dangereux : il est la porte de la vie, la porte du sens.
Que ce soit une invitation à Oser. Oser sortir de nos cadres rassurants, de nos routines molles. Oser prier le ciel et l’invisible. Oser laisser venir en soi inattendu et lui donner du poids. Oser entendre et ne pas dire non a priori. Oser danser avec la vie sans savoir où elle nous emmène.
Nicolas BERNARD