Ces réflexions me viennent au lendemain de l’équinoxe et font suite à ma lecture du « petit traité de l’abandon » d’Alexandre Jollien.
Je réalise combien la pensée d’élimination est installée en nous… en tous cas, je constate qu’elle l’est en moi.
L’esprit trafique en permanence contre lui-même. Sous prétexte d’harmonie, il trouve toujours quelque chose à changer : ce sera mieux lorsque j’aurai résolu telle blessure en moi, lorsque j’aurai appris à mieux m’occuper de moi, lorsque j’aurai appris à me respecter, lorsque je ne serai plus si émotif, lorsque je me serai renforcé et que je saurai protéger mon territoire, lorsque je n’aurai plus mes dépendances émotionnelles, lorsque, lorsque… après, plus tard.
Ces pensées nous propulsent hors de notre présent, nous coupent de nous-même.
Ces pensées au final portent en germe l’idée que l’on serait mieux si on était différent de ce que nous sommes maintenant.
Et c’est en réalité une attitude d’élimination, souvent déguisée sous des étiquettes de « spiritualité », de « développement personnel ». Une attitude, qui même lorsqu’elle prétend vouloir guérir les blessures cherche en réalité à éliminer la souffrance.
« Ah ! Qu’est-ce que je serai mieux lorsque je ne souffrirais plus ! »…
et hop, d’une volonté de bienveillance envers soi-même on bascule dans l’envie d’éliminer la souffrance… « saloperie de part blessée en moi, tu commences à me faire chier, je ne vais quand même pas passer toute ma vie à te consoler, j’ai mieux à faire ! »
« Tu vas guérir oui ? ».
Évidemment, ça ne marche pas bien.
On se fait la guerre à soi même.
Et c’est vrai que notre bienveillance envers nous-même est mise à rude épreuve… nous trébuchons sans cesse sur les pans de nos fragilités.
Et oui, nous avons tous des rêves, des élans, des instincts de puissance, de plénitude, et ils sont légitimes. Qui aimerait s’entendre dire qu’il doit se résigner, qu’il ne mérite pas mieux que d’être insatisfait ?
Comment ne pas trouver normal de s’insurger contre nos petites blessures qui semblent nous maintenir dans notre petitesse d’handicapés ?
Ce grondement de dedans qui veut briser les chaînes doit être salué, notre rage, notre colère est belle… il est sain de vouloir contribuer amplement à l’oeuvre cosmique, de ne pas se limiter.
Alors on fait comment ?
On ne va pas tuer une part de nous pour être plus grand, ce serait absurde, nous en serions encore plus petits… et nous n’allons pas non plus étouffer notre feu sous prétexte que nous avons, tous, des handicaps.
C’est une question ouverte, offerte, qui a ma connaissance ne connait pas de réponse toute faite.
Notre chemin humain se situe sur ce fil entre vulnérabilité et puissance.
Une belle question à se poser en laissant s’éloigner derrière nous cet équilibre de l’équinoxe et que nous allons vers le feu de l’été…
Une question essentielle en période électorale où l’on voit les prétendant au pouvoir tenter de s’éliminer les uns les autres au lieu de servir ensemble le même but.
Que la force et la tendresse soit avec vous !