À quoi servent les dents ?
Cette zone du corps, la partie horizontale de la mâchoire inférieure nous amène ici à nous questionner sur le sens de la mastication. Cette ligne de dents mobiles qui va et vient contre celles du haut assure bien sûr la réduction des aliments en fragments assimilables. En détruisant la forme on en extrait une sève qui va pouvoir rejoindre nos véritables racines, nos intestins, et au final devenir nous, être intégrés à notre propre structure.
C’est une opération essentielle qui requiert la solidité et la clarté de l’ivoire.
Mais encore ?
Avec les dents, nous articulons les mots. Nous mastiquons la parole… pour en extraire une sève qui ait du sens. Peut-être que sans mandibule, nous serions des perroquets juste aptes à la répétition. Nous parlons, certes, et il y a des mots qui abrutissent alors que d’autres nourrissent.
Ces dents qui interviennent dans la parole nous rappellent, comme le dit si bien Nietzsche, que pour qu’elle soit vraie, il faut qu’elle soit ruminée. Alors n’ayons pas peur de le dire, les dents avec leur minéralité précise, sont des pierres à broyer du sens pour en faire des aliments pour l’être.
La saison de l’assimilation
Il est beau que cette zone du corps, dans le cycle d’alchimie des Neuf Souffles intervienne à cette saison de l’automne. La matière des arbres et des plantes se décompose sous nos yeux et révèle sa structure interne. La matière vivante retourne au sol et nourrit l’humus.
À ce moment de l’automne, la grande vie mastique les concepts élaborés au cours de l’année pour les remettre à terre et alimenter les prochains cycles à venir.
Une grande sensibilité se révèle. C’est la saison des poètes. À la vue de l’invisible qui se révèle, notre esprit bascule dans la profondeurs de nos arrières plans.
La poésie et l’archétype du Barde
C’est un moment d’émerveillement !
Tellement de choses cachées se révèlent avant de se rendre. Il y a de la joie à ces reliefs qui apparaissent dans les feuillages. C’est un moment où nos bouches peuvent rire !… de toutes leurs dents… lorsque les motifs cachés se montrent avant de disparaître il n’y a qu’à chanter les mystères de la vie. Nous nous rappelons que nous sommes des êtres de lisière entre le monde connu et le monde invisible… et comme c’est la plus belle chose au monde que de prendre conscience de cela, nous le clamons autour de nous.
Pour toutes ces raisons cette zone du corps est l’archétype du Barde.
D’ailleurs, cette ligne de dents ne ressemble-t-elle pas étrangement à lyre qui accompagne les contes ?
La puissance et la poésie
Nous l’avons trop oublié, mais dans les temps pré-chrétiens, la chaman était barde. Les mots sont puissants parce qu’ils connaissent l’origine des choses, parce qu’ils sont connectés à l’essence de la vie.
Les mots du poètes ne sont pas enchaînement de concepts qui cherchent à classer la réalité pour la contenir… Non ! La poésie n’est pas une parole descendante, mais une parole émergente, qui monte depuis les profondeurs de la Terre, du mystère de la vie, qui traverse nos corps, qui est pétrie de la masse des sensation, du vivant de l’émotion, des étoiles de nos représentations…. la poésie est une parole qui danse avec la vie même. C’est un acte complet.
Le Barde qui chante la vie est celui qui fait vibrer sa monture, celui qui sait parler aux muscles pour aller puissamment dans le monde. Dans les vieilles guerres, il y avait des chantres, nécessaires pour que la puissance en mouvement ait du sens, pour que les chevaliers ne soient pas des brutes mais des êtres au service…
Pathologies de la mâchoire
Jamais depuis la révolution industrielle les problèmes de dentition n’ont été aussi forts. C’est un mouvement qui a commencé dans l’histoire de l’humanité avec l’apparition de l’agriculture… c’est à dire avec la volonté de s’affranchir des cycles naturels de la vie.
Peut-on réduire l’affaiblissement de nos dentitions à l’évolution de notre alimentation ?
Donnons de la place ici à y voir des signes de la perte de profondeur de notre parole.
Une parole profonde n’est pas une parole qui dit du sérieux, mais qui nourrit. Car oui, le Barde est nourricier. C’est bon d’entendre les contes auprès du feu car avec eux nos inconscients se sentent entendus dans leur propre langage et peuvent se déposer, composter.
On peut aussi supposer que les problèmes de dentition révèlent cette difficulté à récolter, à revenir en Terre, à se nourrir en profondeur…. et comme l’archétype du Barde est absolument l’archétype de la récolte : à savoir savourer les fins de cycle avant de passer à d’autres actions.
Le message du Barde
Dans un monde où ni la force ni la poésie ne sont célébrées comme des expressions de la vie, il est bon de nous rappeler que nous pouvons être sensibles et puissants à la fois…. et le Barde murmure à nos oreilles :
« Écoutes-tu et célèbres-tu la poésie en toi? »
« Prends-tu le temps de recevoir l’écho de tes actions passées et de t’en nourrir avant de passer à autre chose ? »
Nicolas BERNARD
Plus d’infos sur ce symbolisme : “Les Cartes du corps“
Merci pour cet article.
bonjour Nicolas
Merci pour ce message qui résonne en moi.
j’aime cette idées de barde chamane qui sait parler à notre inconscient.
qui sait nous parler comme à des enfants, qui sait toucher l’enfant en nous, cet être véritable, pure, sensible et beau qui parfois n’ose plus se montrer tel qu’il est réellement.
recroquevillé au fond de lui même, la tête entre les mains, il guette les rayons du soleil à travers les fissures de sa coquille.
il prend le temps qu’il faut pour un jour, telle une rose, éclore au monde et rayonner de sa beauté, de sa magie pour nourrir et enrichir à sa manière ce monde qu’il redecouvre.
hihi merci la vie !!!
Merci à toi, à vous deux pour ce que vous apportez à ce monde.
tendrement.
jouer de la lyre au bord de son propre ruisseau…
Bien besoin de poésie de justesse de délicatesse, merci chers amis..
Au plaisir de vous recroiser..