Quel Cadeau cette pandémie!
Lorsque tu es confiné, que ton déplacement est limité, que tu n’as plus accès à toutes ces sortes de distractions si pratiques pour ne pas être en lien avec toi-même, que peut-être ton espace vital est petit et que tu le partages avec des gens, aimés ou pas, mais avec qui en tous cas tu n’as jamais passé autant de temps… alors il se passe des choses… comme dans une prison.
Et cela a des chances de se passer pour tous, ne serait-ce que du fait de l’ampleur collective du phénomène.
Nos mécanismes de fonctionnement se font plus visibles… et leurs limites également.
Pas confortable!
Les masques tombent ou se fissurent.
À l’échelle de la société également, les masques tombent et se fissurent : à l’heure où de plus en plus de personnes sortent masqués par la bien-pensance généralisée qui fait croire que l’état d’urgence doit durer et qu’il y a de bonnes raisons de ne pas respirer à plein poumons ni d’exprimer de manière visibles nos émotions, les manigances politiciennes et financières de nos « dirigeants » se font de plus en plus visibles.
C’est bien les masques tombent, tout est là sous nos yeux, le cynisme de ceux censés nous servir, le mensonge de ceux qui semblent toujours vouloir plus, la honte d’entendre les vérités faciles s’imposer à coups de discours infantilisants.
L’avez-vous remarqué? C’est finalement presque détendant ce théâtre à l’air libre… il y a de quoi être effrayé pourtant, mais le comique de la comédie se rend lui aussi plus visible. Nous sommes tous des humains, même les « grands méchants »… c’est juste la pièce dans laquelle nous jouons qui est mauvaise… tellement mauvaise que l’on est en droit d’avoir simplement envie de sortir de la salle.
Oui c’est bien tout ça… et malgré le cocasse des caricatures mises à jour j’espère que l’on va aller au bout. Dans d’autres temps, lorsqu’un traitre était démasqué, quelque soit son rang, on l’humiliait publiquement en l’exposant au pilori.
Bon sens populaire qui non seulement dissuade bien de suivre le mauvais exemple, mais aussi expose le masque sous toutes ses facettes pour en terminer avec lui, le réduire en poussière.
Le problème ce sont ces masques. Tous nos masques.
Car c’est bien ce qui se joue là pour chacun de nous.
Attention à ne pas trop mettre d’énergie à déjouer les mensonges d’état car nous avons une tâche beaucoup plus fondamentale à accomplir.
L’ennemi véritable est en nous, le véritable salaud est en nous. Déjouons les masques de compromis à l’intérieur de nous, les mensonges répétés, les duretés imposées à notre environnement.
… Mais en fait c’est plus précis que ça : ne nous en prenons pas aux masques, mais à l’emprise qu’ils ont sur nous.
C’est chouette les masques quand ils sont libres et fluides : c’est la liberté d’afficher une personnalité dans une situation et une autre dans une autre, c’est la liberté de jouer avec nos facettes multiples, de danser avec la palette immense des possibles qui sont en nous, c’est nous rappeler que nous sommes « tout ça » et pas seulement « ça », c’est rendre impossible aux autres de nous enfermer dans une case, de nous « ficher » dans le registre du connu, c’est jouer avec la palette des savoir-faires connus ou inconnus.
Le problème n’est pas le masque.
Croire qu’il faut « enlever les masques » pour être réellement soi et que jouer avec les apparences voudrait dire ne pas être sincère est une absurdité idéaliste : derrière les masques il n’y a rien. Le « qui je suis vraiment » est un espace vide qui existe derrière les masques et peut se servir d’eux pour exister et agir dans le monde.
Oui notre liberté et notre être véritable est fondé dans ce vide… et heureusement Dieu est joueur : il nous a doté d’une palette super riche de facette colorées.
La grisaille vient quand nous nous accrochons à une gamme réduite de comportements et d’apparences. Nous devenons des masques rigides. Nous nous identifions à eux.
C’est là que la merde commence et que notre responsabilité collective dans cette société d’abus et de mensonge démarre. En cessant de jouer avec les masques et en oubliant que nous ne sommes pas eux, nous devenons des rouages d’une grande mécanique qui n’est plus constitué d’hommes et de femmes libres, mais de morts vivants qui co-créent ensemble ce mauvais rêve. Un égrégore qui ne porte plus la vie et permet que quelques-uns plus que d’autres la piétinent.
Il est urgent de réapprendre à jouer. Tous les enfants devraient apprendre le théâtre… non pas celui qui consiste à répéter un texte comme on apprend scolairement une récitation, mais celui qui est exploration des facettes de la vie, des recoins géniaux de l’être humain, envie d’en rire et de ne plus se prendre au sérieux.
On se prend beaucoup au sérieux…. quelques soient nos rôles favoris, nous les plombons. Moi je me reconnais du sérieux dans mon rôle de thérapeute enveloppant, qui dit oui à tout pour en fait contenir les éclats gênants de l’imprévisible… je reconnais aussi du sérieux dans le rôle de l’enfant blessé qui n’a pas sa dose de reconnaissance, et la dureté sur les autres qui en résulte.
Et toi?
Quels sont les rôles que tu endosses avec la conviction du sérieux, ceux dont il ne faut pas rire? Le spirituel lumineux? L’amant(e) attentionné(e)? Le fauteur de trouble? Le lanceur d’alerte? Le donneur de leçon? Le j’m’en-foutiste? Le débonnaire social?
La liste est infinie.
Tous ces rôles sont bons, sauf si ils te servent à mettre la pression : sur toi, sur les autres.
Ces rôles qui nous gouvernent, ils ressemblent à de terrible maîtres quand on s’approche d’eux, avec fumée et éclairs fournis… mais quand on s’approche, finalement, comme dans « Le magicien d’Oz », il y a surtout un petit bonhomme craintif, un enfant terrorisé qui fait ce qu’il peut pour ne pas être vu.
Il a peur d’être dévoilé parce qu’il a peur de tout le monde, qu’il ne fait confiance à personne….
Et en effet… Comment faire confiance, enfants qui arrivons dans le monde des adultes si les masques ne sont plus là pour jouer, mais pour se protéger corps et âmes quitte à se servir d’eux pour détruire?
Dans un précédent article, «la peur du vivant », j’ai développé les raisons sous-jacentes de la volonté de contrôle. Nous sommes sur un sujet corollaire.
Les conventions, la norme sociale, les extrémismes naissent de cette peur viscérale d’être dévoilés… une zone de confort commune dans le puzzle du monde.
Le monde a besoin que nous changions de rêve collectif, c’est une évidence.
À chacun de nous de doser soigneusement la part d’énergie que nous mettons dans l’action militante et celle que nous mettons à retrouver ces failles à l’intérieur de nous qui nous amènent à être, inconsciemment, des « salauds masqués ». Retrouver un lien sain à l’enfant intérieur, avec ses blessures, ses joies, sa puissance…. être en mesure de lui redonner un sentiment de sécurité, retrouver la capacité de danser, cesser d’être en réaction avec le monde… tout cela est certainement le niveau de contribution le plus essentiel que nous pouvons avoir pour « démonter le système de l’intérieur »… de là l’action vers l’extérieur, la véritable action, puissante et légère, inspirée, redevient possible.
Bon courage à nous tous.
Nicolas BERNARD.
Co-auteur des « Cartes du Corps » et co-créateur des Neuf Souffles avec Anne Ena BERNARD, son épouse. Ensemble ils enseignent, accompagnent par l’écoute du corps et la danse la faculté à redevenir vivant, de plus en plus vivant.
Gratitude pour ces mots Nicolas … Gratitude …
merci pour cet article si bien écrit, je rêve, je veux , j’enlève mon masque au sens physique et au sens figuré j’y travaille depuis longtemps