La Crise du Covid nous ramène au centre
Autour de cette crise du Covid, les évolutions de la société sont brutales, les mesures prise sont radicales, et la réactivité de chacun à vouloir savoir ce qui est bon dans cette période est extrême.
Nous ne sommes pas dans un conflit d’idéologie, nous sommes de toute évidence dans quelque chose de beaucoup plus organique.
Les gens pourraient s’entretuer, alors que pour tous, la préoccupation semble être de concilier des nécessités aussi variées et essentielles que le bien-être et la liberté individuelle, la responsabilité collective, l’éthique, la santé, l’économie, le bien vivre ensemble… etc, etc…
C’est gigantesque !
Il me semble que nous sommes face à une question centrale de l’existence même… et qui paradoxalement est rarement directement abordée… C’est simplement celle de l’intégrité.
L’intégrité au cœur du vivant
J’en parle autour de moi et je m’aperçois que la notion même d’intégrité est floue pour la plupart des gens… et pourtant c’est la base même du phénomène du vivant.
C’est certainement la raison pour laquelle tout ce qui s’y rattache active des réactions violentes.
Pour faire simple, le vivant se caractérise par sa capacité incroyable à maintenir une forme stable, avec des agencement de molécules précis, des membranes cellulaires complexes formant des espaces compartimentés finement pour y remplir des fonctions biochimiques ciblées, le tout dans un flux constant de matière et d’information… flux qui lui, a tendance à détruire ce qui est ordonné, à réduire les roches en sable, à aplanir les reliefs.
Nous autres, êtres vivants accrochés à la surface de notre planète, réalisons en permanence ce miracle de remonter le courant de la destruction pour édifier nos corps, nos espèces, nos sociétés.
Tout notre être vise avant tout cet objectif, consciemment ou pas… et il le fait dans l’interrelation avec l’autre car c’est là que notre cohésion peut être la meilleure.
Les écosystèmes sains sont les plus diversifiés : avec un degré élevé d’imbrication des différentes formes de vie, l’ordre moléculaire incroyable créé par les organismes perdure le plus longtemps possible et des solutions multiples sont disponibles pour se relever de chaque désorganisation.
La confusion humaine
L’être humain montre par sa capacité d’auto-maltraitance et de destruction de son environnement naturel d’une réelle défaillance dans cette fonction d’intégrité.
Cela vient probablement du fait que nous sommes des animaux sociaux et que l’appartenance au groupe est nécessaire à notre intégrité. Dans la nature sauvage être exclu de la tribu est une menace de mort : nous paniquons à l’idée de ne pas appartenir un ensemble de personnes, et sommes prêts à tout pour que ça ne se produise pas, même si les valeurs portées par ce groupe sont malsaines et qu’il est nuisible d’en faire partie.
Avec les blessures anciennes de notre humanité, cela commence très tôt : lorsque nous arrivons dans une famille, très probablement dès la vie fœtale, nous scannons notre environnement pour savoir quelle place nous allons prendre dans le puzzle familial.
Dans un idéal qui n’existe certainement nulle part, il serait sain ,quand un individu vient au monde, d’être à l’écoute de ce qu’il amène comme capacité ou don singulier, et de lui donner tout ce dont il a besoin pour grandir et déployer cela… parce que plus cette personne sera accomplie, plus le collectif en bénéficiera.
Hélas, il y a rarement assez de plénitude chez les parents pour remplir ces besoins spontanément… et suivant ce qui lui manque (protection, affection, écoute, joie, tranquillité, confiance… etc), l’enfant doit déployer des stratégie pour obtenir quand même ce soutien.
L’individu apprend très tôt, inconsciemment donc, à marchander…. ne serait-ce que pour obtenir le minimum : faire partie d’un groupe !
Marchander à l’âge adulte peut-être un jeu… quand on est bébé, c’est une perte d’intégrité… car il se passe souvent ce que l’on sait : les enfants s’occupent de leur parents… ils leur donnent de l’énergie.
Dès ce stade, la légitimité des besoins est brisée, et l’habitude est prise de s’abaisser, voire de s’épuiser, pour avoir droit à l’appartenance.
Sur cette base, l’esprit humain est emmêlé et souvent incapable de sentir, ni même de penser, les pertes d’intégrité qu’il génère dans sa vie. C’est viscéral.
Il est d’ailleurs beaucoup plus facile de voir chez l’autre que chez soi le manque d’auto-respect.
La peur du vivant et de la mort, et la volonté de contrôle
Quand le soutien collectif est autant source d’adaptations couteuses en énergie que de soutien, nous devenons inévitablement à cran, et l’inconnu devient un danger insupportable, impossible à gérer.
La maladie, la mort sont vécues comme des menaces terribles.
L’explosion incontrôlable de la vie sauvage, organique le sont au moins autant.
Pour échapper à ces sources de perturbations incontrôlables, l’humain est devenu un expert dans les systèmes de contrôle, et le devient de plus en plus.
Ce que certains nomment progrès est dans ma perspective beaucoup plus un emballement de l’esprit inquiet, qui pousse les humains à se trouver une forme de « sécurité hors sol » !… tout simplement parce qu’ils n’ont plus, depuis longtemps, la sécurité de fond, celle du lien de confiance. Dans cette fuite en avant vers l’aseptisation, l’espèce humaine n’est pas seulement en train de vouloir « mettre au rang » la nature en remplaçant les forêts sauvages et vivantes par des monocultures mortifères, mais également de briser les tissus sociaux et toute la biodiversité humaine, planétaire, pour créer une société normalisée.
La montée technologique sidérante des dernières décennies ouvre des voies effrayantes au contrôle des populations, mais aussi à la mise hors sol des individus qui passent de plus en plus de temps dans des univers virtuels.
… Cercle vicieux, car plus le mental se coupe des ressentis, moins il devient capable de gérer l’insécurité, et plus il va chercher à contrôler et à s’éloigner de la nature comme d’une source de débordement.
La mort qui est inhérente aux processus vitaux, et même indispensable aux équilibres des écosystèmes (dans une forêt saine, il est indispensable qu’il y ait au moins 40% de bois mort), devient insupportable. La maladie devient source de panique, et l’intervention des virus, bactéries et autres éléments naturels devient une calamité qu’il faut éradiquer.
En somme, l’autre devient l’ennemi.
Préserver l’intégrité de tous pour le bien collectif
Il est normal et sain de veiller sur les plus faibles d’entre nous. C’est une marque d’humanité.
C’est même, certainement, ce qui a fait la force de la race humaine, parce que le fait d’inclure ceux qui ne survivraient pas seuls permet de faire émerger des compétences qui n’auraient pas eu l’espace d’apparaître sans cette sécurité collective. La variété des savoirs-faire rend le collectif plus efficace et plus intègre. Au final, chaque individu d’une tribu qui inclus les « faiblesses », est lui-même renforcé.
Cela devrait être une base de départ pour toute prise de décision collective.
Est-ce que telle ou telle décision ou action est bonne pour le groupe et pour chaque individu du groupe ? On peut alors parler d’ « intégrité inclusive ascendante ».
Depuis longtemps on nous inculque une autre façon de penser que l’on pourrait qualifier d’« intégrité sacrificielle descendante ».
Pour préserver une partie de la population (faible ou pas d’ailleurs), on demande aux autres de se diminuer d’une façon ou d’une autre. C’est la base de la féodalité, de la domination du système religieux, de la dynamique interne à de nombreuses familles, et des phénomènes actuels de politique sanitaire.
L’élément moteur qui permet d’obtenir l’adhésion à cette baisse d’intégrité au profit d’autres que soit est la culpabilité : celui qui refuse de se sacrifier est un égoïste.
C’est un point de fonctionnement de la dynamique humaine qui provoque en moi une grande tristesse.
Au risque de sembler idéaliste, j’affirme que je crois en une dynamique vitale, et en des sociétés, basées sur la conscience que lorsque l’on fait vraiment du bien à l’autre, on se fait du bien à soi… et donc je crois à l’inverse que lorsque l’on ne se fait pas du bien à soi-même en aidant l’autre, au final tout le monde y perd.
Ce devrait, selon moi être une ligne directrice de base.
C’est cette logique et cette attention que j’applique dans mes accompagnements, qu’ils soient individuels ou de groupe : si je ressorts d’une séance épuisé au lieu d’en être renforcé, alors c’est le signe que quelque chose n’a pas été « fait » correctement.
Je pense que l’on appliquer ce principe à toutes les échelles, qu’il s’agisse de collectifs humains ou d’écologie au sens large.
Il s’agit peut-être d’un pari, mais il s’inscrit dans un paradigme beaucoup porteur d’options que la logique sacrificielle. C’est ce qu’en somme propose la permaculture : augmenter le degré de lien pour le bénéfice de tous et du tout.
Logique émergente contre volonté de contrôle
Il me semble que nous vivons une scission de plus en plus nette entre deux groupes de populations qui juste considèrent l’intégrité de manière symétriquement opposée.
Pour certains, dont je fais partie, le maximum d’intégrité ne peut être qu’émergent : la vie elle-même avec son « intelligence » propre, consciente ou inconsciente possède un capital d’adaptation infini et de cette base, dans laquelle, nous le savons, les micro-organismes jouent une place centrale, apparaissent des solutions de réorganisation qu’aucun calcul préalable n’aurait pu imaginer et encore moins mettre en œuvre.
Cette pensée « émergente » amène une vision de l’écologie qui vise surtout à soutenir les processus naturels avec curiosité, présence, et adaptabilité.
C’est une pensée qui amène également à considérer que les humains sont capables d’auto-organisation et que le maximum d’ordre ne peut venir que « d’en bas ».
Pour d’autres, la nature laissée à elle-même n’est que chaos… et les humains laissés à eux-mêmes ne sont capables que de désorganisation et d’individualisme destructeur.
Pour ceux-là, la civilisation passe par le contrôle.
Nous savons que certains groupes dirigeants (comme le groupe de Bilderberg) assument clairement cette position, selon laquelle il est nécessaire qu’une élite, plus intelligente et avisée que le « peuple » décide pour tous de ce qui est bon. C’est l’image patriarcale du roi éclairé.
Plus généralement, c’est une croyance très ancrée, selon laquelle l’ordre vient « d’en haut ».
J’assume ici que cette seconde façon de voir le monde est selon moi purement pathologique, qu’elle est issue de la déconnexion de l’humain de son propre corps et de la nature dont il fait partie, et de la panique engendrée par l’inconnu et la mort. J’assume de penser que ce mode de pensée nait de carences affectives précoces qui n’ont pas été soignées et amènent les individus à nuire d’eux-mêmes à leur propre intégrité
C’est selon moi la racine de la croyance que les Etats sont nécessaires, que l’autorité est nécessaire, que la technologie va nous sauver en améliorant notre condition (voire nous rendre immortels).
J’assume également que l’autre façon de considérer le vivant relève profondément de l’anarchisme… tel que Proudhon le définissait : « l’anarchisme, c’est l’ordre sans le pouvoir ».
Le cosmos est ordonné, la nature est ordonnée, nous sommes ordonnés.
Le désordre me semble beaucoup plus être l’arrogance de nos mentals inquiets qui cherchent à tout maîtriser, quitte à détruire la vie.
La dérive du Covid
Si nous replaçons tout ce propos dans le contexte de la gestion de la crise sanitaire, nous pouvons facilement comprendre qu’il n’y a pas forcément penser à un complot organisé pour envisager qu’émerge, de toutes les peurs du vivant emmagasinées depuis des millénaires, les décisions radicales de contrôle qui sont là.
C’est tout une compréhension du système immunitaire qui est en jeu et conditionne nos comportements. J’ai été choqué, alors que j’étais professeur de biologie en lycée, de voir que l’immunité était enseignée comme un système guerrier de destruction de l’étranger, et non comme un système de relation avec l’extérieur, capable de produire une palette extrêmement large de comportements vis-à-vis des virus, bactéries et autres agents extérieurs, dont l’inclusion fait partie. Il était difficile pour les étudiants d’envisager que notre corps puisse choisir, lorsque c’est bon pour lui, de développer certaines maladies… parce qu’en le faisant il permettrait l’expression de gènes (bactériens ou viraux) différents des siens, et que ce serait donc un enrichissement pour lui.
Il est difficile de faire sortir les gens de cette logique de virus = ennemi qui est la base de l’éducation pasteurienne qui s’est imposée depuis des dizaines d’années, et qui rend le questionnement même de la logique vaccinale difficile.
Il n’est pas besoin de prêter à nos dirigeants l’intelligence suffisante pour orchestrer un vaste complot !
Il y a une co-création collective qui fait vraiment, sincèrement, penser à des personnes de milieux très variés, que les contraintes sanitaires, les contrôles numériques, le développement de la reconnaissance faciale et d’autres évolutions de la société sont nécessaires parce que l’humain doit être contrôlé.
Personnellement, je pense que l’on touche ici un point qui n’a pas à être discuté et relève purement de ce qui nous semble intimement bon, en dehors de tout argumentaire rationnel.
Voulons-nous d’un monde normalisé ou d’un monde diversifié ?
Nicolas BERNARD